Dix ans ont passé depuis que Loethar, le chef de guerre barbare des steppes likuriennes, a dévoré l'ensemble Denova avec son armée de mercrenaires, avant de s'installer dans le premier de ses royaumes : Penraven. Pensant les héritiers Valisar morts et enterrés, il s'est couronné empereur et ne ménage pas ses efforts pour que son peuple s'intègre à la population de l'Ensemble. Mais renoncer à ses méthodes de persuasion les plus violentes n'a pas suffi à éteindre les braises de la rébellion... car les héritiers Valisar sont toujours en vie. Protégés par de solides alliés, ils sont prêts à tout risquer pour l'avenir de leur royaume, et déterminés à faire couler le sang du tyran.
Deuxième tome d'une série qui en comptera trois, Le Tyran se situe dix ans après la première partie de la nouvelle trilogie de Fiona McIntosh, L'Exil, dont nous vous parlons ici, mais les informations distillées par l'auteur permettent de rapidement retrouver ses repères, malgré les changements supposés par ce bond temporel.
Ce tome 2 a toutes les qualités qu'avait son prédecesseur. Le récit est vivant, dynamique, et l'éclatement des points de vue permet de varier les chapitres qui alternent entre les événements vus du palais de Brigthelm avec Loethar, le "tyran" du titre, et vus des différents protagonistes de la résistance tapie dans l'ombre (à tel point que personne à part eux n'a conscience que les héritiers gambadent dans la nature, ce qui donne une atmosphère de secret et de "sécurité" assez agréable pour le lecteur). Ces résistants ne se connaissent pas entre eux, le récit peut donc se développer aux quatre coins de l'empire Penraven de manière relativement indépendante. Fiona McIntosh gère bien ces différents points de vue et la réunion (inévitable) des personnages est bien amenée, même si certains épisodes sont malheureusement assez facilement prévisibles.
Ce deuxième volume développe de façon plus large l'aspect "magique" du monde de l'auteur, autour de deux pôles principaux : les "Investis", du nom de ceux qui sont porteurs de pouvoirs magiques (allant du plus simple et peu utile à la magie la plus puissante), et la "légende de l'égide", idée assez originale selon laquelle pour chaque héritier Valisar naît (mais pas forcément en même temps), quelque part dans le monde, une "égide", un Investi aux pouvoirs démesurés, que l'hériter, s'il la retrouve, pourra soumettre à son contrôle absolu à condition d'en "consommer" physiquement une partie. Où l'on retrouve le motif du cannibalisme déjà présent dans le tome 1.
Cette vision originale de la magie se couple d'un art consommé du suspens. Les transitions et les fins de chapitres sont généralement très réussis, même si l'on retrouve, comme dans le volume précédent, certaines grosses ficelles que l'on voit venir de loin, dommage (c'est particulièrement le cas dans les inévitables histoires d'amour croisées, qui sont en même temps assez plaisantes à suivre et qui ont le mérite de ne pas alourdir le récit). La réussite du roman tient particulièrement à ses retournements de situations bienvenues qui relancent habilement le récit là où il commençait à risquer de s'enliser. A tel point que, particulièrement à la fin, ces retournements se succèdent un peu trop vite, et, pour la principale trame de l'histoire (c'est-à -dire le conflit autour du trône), tournent malheureusement toujours un peu autour du même procédé. Cela dit, vu que les héritiers légitimes se révèlent tous et se multiplient dans ce tome 2, le volet conclusif de la trilogie s'annonce particulièrement sanglant.
Mais le dynamisme ne fait pas tout. Le Tyran ayant beau, comme les autres livres de l'auteur, faire figurer Robin Hobb sur le quatrième de couverture, on est loin de la profondeur d'un Assassin Royal. On pourrait même dire que Fiona McInstosh fait vraiment moins bien sur ce plan-là quand dans sa trilogie précédente, Le Dernier Souffle. Les personnages sont cantonnés à une esquisse plus ou moins approfondie (on exceptera de cette critique le fameux "couple" formé par Kirin et Lily), ce qui est dommage. Comme je l'ai dit, certaines situations sont amenées presque trop rapidement (critique un peu paradoxale devant un roman de 500 pages). Mais le pire est surtout d'avoir inséré de manière si artificielle le saut dans "notre monde", que rien ne prépare et que rien ne justifie vraiment à part l'usage de la magie pour protéger la jeune fille Valisar (ce sort est lancé en fin de premier tome). Ce passage éclair dans le monde "réel", qui doit tenir en tout et pour tout dans une trentaine de pages laisse une drôle d'impression, celle que l'auteur, pour ce coup là , a navigué à vue et a voulu insérer une idée un peu farfelue.
Mais que cela ne fasse pas oublier que Le Tyran est un récit plaisant et efficace, qui aurait pu donner quelque chose de vraiment très bon sans ces petits défauts agaçants (et je persiste dans le mauvais point pour Bragelonne : les fautes d'orthographe et les coquilles sont moins nombreuses que dans le tome 1, mais il y en a toujours, ce qui est pour le moins énervant vu le prix de l'édition en grand format !).
Traduction d'Isabelle Pernot.
Disponible chez Bragelonne, 28€.
Quand j'aurai mon niveau 4 / J'achèterai un cheval / Je sais pas vraiment monter / Tant pis, ça m'est égal ("La vie d'aventurier" POC)
SierrElben, prochainement sur vos écrans !
Une bonne critique qui fait du bien à lire. :)
Merci