Nouvelles 1950-2003 (de Richard Matheson)

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L'ensemble des nouvelles du grand maître américain du fantastique est publié chez J'ai Lu.

Vous avez sans doute entendu parler de Richard Matheson, même sans connaître son nom. Pour ceux qui savent de qui il s'agit, inutile de le présenter : c'est le grand virtuose américain du genre fantastique (celui à qui, pour vous donner une idée, Stephen King doit une grande partie de son succès). Pour ceux qui ne le connaissent pas (encore), jetez un oeil côté cinéma. Vous avez forcément entendu parler de L'Homme qui rétrécit, adapté de nombreuses fois sur le grand écran. Toujours rien ? Alors ce titre peut-être : Je suis une légende, encore récemment porté à l'écran des salles obscures (pas toujours fidèlement, d'ailleurs). Ces deux titres sont ceux de ces deux romans les plus célèbres. Mais je pourrais aussi vous citer Duel, qui fut le premier film d'un certain Steven Spielberg (que je vous recommande de toute urgence de vous procurer si vous ne connaissez pas, voici le trailer). Et Duel a d'abord été une des nombreuses nouvelles écrites pendant plus de cinquante ans par Richard Matheson, ce qui nous occupe aujourd'hui.

Il est difficile de rendre compte de l'ensemble des nouvelles de Matheson, tant elles sont diverses. Pas une n'est écrite comme l'autre. L'auteur a la capacité de changer radicalement de style pour préserver l'efficacité et la rapidité des récits qui, tous, se lisent très rapidement, en cinq minutes pour les plus courts, en vingt pour les plus longs. En quelques lignes, le décor, les personnages, tout est net... ou presque, bien évidemment.

Car quasiment n'importe laquelle de ces nouvelles suffirait à donner une définition assez nette de ce qu'est ce genre flou et hybride qu'est le "fantastique", habituellement caractérisé comme étant l'introduction d'un phénomène inexplicable dans un monde réel, phénomène que les personnages vont s'efforcer par exemple d'expliquer rationnellement, ce qui s'avère impossible. La nouvelle intitulée La Fille de mes rêves cadre parfaitement avec cette définition.

Matheson installe donc d'abord une ambiance, et c'est celle-là que vous retiendrez d'abord. Inutile d'essayer d'anticiper le récit d'après son titre, vous n'y arriverez pas. C'est seulement après coup, bien sûr, que le titre révèle toutes ses possibilités (j'aimerais bien voir si quelqu'un parvient à deviner sans se tromper ce qui se cache derrière La Fille de mes rêves !). Le ton de ces nouvelles va du mystère, de l'étrange, à l'horreur en passant par de nombreux procédés dignes des meilleurs thrillers (le tout en une dizaine de pages). Pas de quoi s'ennuyer donc, il y en a vraiment pour tous les goûts. De ce fait, aussi, certaines des nouvelles sont moins bonnes que d'autres, mais comment y échapper ? Et les déceptions sont bien rares comparées au franc sentiment d'émerveillement et de surprise que suscitent les nombreuses autres.

Richard Matheson écrit beaucoup et vite. Il n'a pas pour autant la plume facile. Tous ces récits sont très travaillés, parsemés de références directes, parfois purement américaines (alors l'édition - très bien faite - vous précise ce qui vous manque en note. J'en profite pour saluer la qualité des traductions), parfois faisant partie des références culturelles mondiales (je conseille aussi l'étonnant Voyons si vous vous souvenez de lui qui revisite le mythe de Faust à la sauce base-ball).

Ainsi, certaines des nouvelles de Matheson confinent au vrai travail, réfléchi, de littérature, et nombreuses sont celles qui sont dignes d'être élevées à ce rang. Si je devais en retenir une seule, ce serait l'extraordinaire Le Jeu du bouton, de quinze pages, dont je ne peux pas vous parler au risque de dévoiler un simple parcelle de ce récit fantastique (à tous les sens du terme !).
Cette nouvelle, et d'autres avec elle, condensent la plupart des thèmes chers à Matheson, qui ne fait pas qu'écrire du fantastique. Chaque nouvelle est l'occasion, plus qu'interroger l'imaginaire ou le paranormal, de questionner l'homme, son rapport au monde, à soi, et aux autres. La place dans le monde et la société, la mort, l'amour, le couple, la solitude, sont des motifs incessants dans chaque nouvelle, avec parfois une force telle qu'elles peuvent secouer (je pense à Toujours devant ta voix ou bien Les inséparables).

Et au sortir de chaque nouvelle reste en suspens le sentiment que la véritable incongruité fantastique est bien moins celle de l'univers horrifique de Matheson, que celle de l'homme, des personnages, de leur vie banale, leur désir d'en sortir, et leur peur de se découvrir.

Les Nouvelles de Richard Matheson, sont disponibles en trois volumes (1950-1953 ; 1953-1959 ; 1959-2003) chez J'ai Lu (8€ le volume).

http://ecx.images-amazon.com/images/I/4106NQFM7DL._SL500_AA300_.jpg

Nouvelles 1950-2003

Note de l'auteur de l'article

16/20

Commentaire : Si toutes les innombrables nouvelles de ces trois volumes ne se valent pas, l'ensemble, porté par le talent narratif de Richard Matheson, mérite d'être lu (ou relu) au plus vite.

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Article écrit par : Kelem le 07.08.2010 21:59:57

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Quand j'aurai mon niveau 4 / J'achèterai un cheval / Je sais pas vraiment monter / Tant pis, ça m'est égal   ("La vie d'aventurier" POC)

SierrElben, prochainement sur vos écrans !

Les derniers commentaires

De blackwabbit le 08/08/2010 à 01:50:54

Ha merci Kelem :)
Je ne savais pas trop quoi attaquer une fois Gagner la Guerre terminé (faudrait d'ailleurs que je me motive à en faire une critique digne de ce nom, c'est écrit par un français, JP Jaworksy, qui est aussi auteur de jeu de rôles, et dont la prose et les univers feraient tourner la tête à tout adulateur de Glenn Cook).
Et je garde un excellent souvenir de Je suis une légende, livre sombre et perturbant, à mi chemin entre La Route et Ravage, et à mille lieues de l'adaptation judéochrétienne bien pensante avec Will Smith.

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